Les
ficelles
des
métiers

exposition numérique
prolongement
de l’exposition
proposée au centre Sohane
Benziane
en Février 2019

Le collectif La Main
a pour objet de rassembler
des personnes issues de
métiers différents et de leur
permettre de co-travailler
dans des ateliers mutualisés.
La question des métiers est
un champ de réflexions
souvent ouvert et sujet à
diverses expérimentations.

Les membres du collectif La Main
partagent, sans prétention, leurs
expériences et réflexions ainsi que
quelques ficelles de leurs métiers.

« Métier » ?

Le mot « métier » est issu du vieux français « menestier »,
lui-même lié au mot latin « minister », pour « servir ».
Aborder le sujet des métiers c’est aussi aborder celui du travail,
dont l’origine étymologique fait plus référence à l’idée
d’une peine nécessaire voire infligée (« trepalium », la torture en latin).
Choisir d’utiliser l’un ou l’autre des termes, c’est tantôt valoriser
qui on est et ce que l’on sait, tantôt valoriser le résultat de ce que l’on fait.

Selon le philosophe Bernard Stiegler, « ce qui fait le métier, c’est
ce qui n’est pas réductible au calcul, c’est à dire au traitement de
données par des algorithmes ». C’est ce qui rendrait les hommes
peu interchangeables et ce qui rendrait leur travail peu remplaçable
par celui des machines et ordinateurs.

Les notions de savoir tacite (ou intégré) et de savoir explicite sont
utilisées dans les sciences humaines et cognitives. Elles peuvent
permettre de comprendre ce qui fait la substance d’un métier.
La connaissance explicite serait une connaissance consciente,
que les tenants d’un métier sont capables de verbaliser.
Quant à la connaissance tacite, elle serait mise en pratique de façon
automatique et intuitive, presque instinctive. Elle peut être difficile,
voire impossible à expliciter dans une forme exploitable par d’autres
personnes. Avec l’expérience, on observe un enrichissement parallèle
de ces deux plans de la connaissance.

Classer les métiers
au présent et au passé

Comment catégoriser les métiers ?
Par les matériaux mis en oeuvre, les gestes, les outils,
les méthodes, l’environnement, l’histoire ?

Doit-on distinguer les métiers manuels
des métiers intellectuels
ou encore les métiers anciens
des métiers nouveaux ?

La division en secteurs (métiers de bouche,
métiers de l’aéronautique, métiers d’arts)
est-elle plus pertinente ?

Les codes APE, pour «Activité Principale Exercée» s’intéressent aux entreprises, non aux individus. Sont liées à cette classification différentes réglementations de droits et obligations, dont les conventions collectives (listes d’accords passées entre les différents acteurs d’un secteur professionnel). Elles complètent les règles de base résumées dans le Code du Travail et tentent d’adapter chaque situation aux particularités de l’activité, du secteur, des us et coutumes, des métiers.

L’Histoire voit plusieurs tentatives de catégoriser et règlementer les métiers. On constate qu’au tournant de l’an mille, sur le territoire qui deviendra la France, des progrès techniques en agriculture et surtout l’augmentation de la population ont favorisé l’institution formelle de nouveaux métiers. Ainsi pendant que certains continuent de travailler aux champs (activité normale depuis la sédentarisation), d’autres peuvent désormais se spécialiser.
Ceux-ci, comme le faisaient déjà les domestiques de maison (les menestiers, les serviteurs), adoptent alors des « métiers ». Les travailleurs de la main (objets manufacturés et denrées transformées) et les marchands (qui participent de l’échange ces produits) s’organisent progressivement en associations qu’on appelle les communautés de métiers et règlementent leurs activités. Nul ne pouvait exercer un métier sans être admis dans la communauté qui en avait le monopole. Selon les corporations et les métiers, les femmes sont peu ou très représentées.

Membres du collectif
Auto-portraits audios des profils multi-métiers

Le Livre des Métiers, d’Etienne Boileau, alors prévôt de Paris nommé par Louis IX (Saint-Louis) nous donne un aperçu de la situation en région parisienne vers 1268. Les règlementations propres à chaque métier, en terme de droits, devoirs, impôts etc. étaient jusque-là majoritairement orales. Seule la puissante communauté des marchands de l’eau (qui acheminent les marchandises par voie fluviale), avait déjà des statuts accordés par le roi depuis un siècle. Il s’agissait donc pour Etienne Boileau de les faire écrire, facilitant le rendu de la justice.

Les communautés de métier (c’est le terme utilisé jusqu’à la révolution de 1789 qui le remplace par le mot « corporations »), y apparaissent comme des sociétés de défense et de fraternité d’une part mais aussi d’encadrement de la concurrence sur un territoire déterminé. Concrètement, il faut adhérer à la corporation et payer un droit d’entrée pour avoir le droit d’exercer. Il est interdit de passer d’un métier à l’autre. Les prix et, le nombre d’apprentis sont réglés. Entre autres exemples, la coalition entre maîtres est interdite ainsi que la mise sous franchise de plusieurs ateliers.

La surveillance mutuelle de la fraude et de la malfaçon sert à protéger la réputation d’une corporation, ainsi qu'à limiter la dissémination des savoir-faire. Nul artisan ou marchand ne peut reprendre le travail d’un autre si celui-ci n’a pas reçu sa rémunération, etc.

Membres du collectif
Auto-portraits audios des profils multi-métiers
  • Portrait Alexandre Fandard
    auteur chorégraphique
  • Portrait Sonia Saroya
    arts appliqués du 21è siècle
  • Portrait Lucien Schemel
    éditeur d’art en sérigraphie
    & sculpteur sur pommes de terre

En plusieurs siècles et avec la transformation de la société, ces règles et fonctionnements ont varié, évoluant au gré des débats entre protectionnisme et libéralisme, de l’influence du pouvoir royal et de certaines communautés plus ou moins puissantes. L’influence de la religion, catholique d’abord puis protestante à partir du seizième siècle fait envisager le travail comme fatalité et progressivement comme levier de mérite et outil d’élévation spirituelle. En 1597, un édit du roi Henri IV énonce qu’il revient désormais au roi de réglementer ces métiers. C’est un acte fort dans une période qui observe un glissement de l’autorité interne aux corporations vers l’autorité royale qui favorise une meilleure collecte de l’impôt pour financer les guerres menées par le roi. Ce système s’inscrit dans l’Ancien Régime et la société de privilèges. Des lettres patentes signées du roi pouvaient accorder à l’un ou à l’autre le monopole d’une activité ou d’un type de produit. Avec l’instauration de la République française, en 1791, est déclarée la loi Chapelier qui abolit les « corporations » vécues comme un intermédiaire entre le citoyen et le gouvernement et instaure la liberté d’entreprise. Les syndicats patronaux continuent d’exister mais les syndicats ouvriers sont interdits jusqu’en 1884. L’année 1895 voit aussi la naissance de la Confédération Nationale des Travailleurs (CGT) où l’organisation des discussions par corps de métiers reste importante. Au cours de cette période naissent les ordres professionnels (ex : médecins ou avocats) et leurs codes de déontologie.

Membres du collectif
Auto-portraits audios des profils multi-métiers

Comme méthode de classement, on put aussi distinguer les métiers jurés (qui demandent à prêter serment) des métiers réglés (pour lesquels il faut suivre une certaine règlementation) et des métiers libres (qui peuvent s’exercer sans contrainte ou presque).

Aujourd’hui, on parle de professions règlementées, qu’on ne peut exercer que sous la condition d’un certain parcours d’études et d’un diplôme pour avoir le droit d’exercer (médecin, professeur, avocat, etc.) et dont les règles sont plus ou moins contraignantes.
L’ attribution par décision ou par achat d’une licence ou d’un permis sont aussi nécessaires à l’exercice de certains métiers (routier, tenancier de bar, entrepreneur de spectacle etc.). Il faut parfois justifier d’une expérience professionnelle préalable ou attester du suivi d’un stage de sensibilisation (à l'hygiène par exemple pour les tatoueurs et les restaurateurs), suivre des obligations déclaratives de biens (matières précieuses pour les joaillers), de souscription d’assurances, s’interdire certains cumuls, posséder une carte d’identification, remplir des conditions d’âge (notaire) ou de casier judiciaire, justifier d’une aptitude physique (kinésithérapeutes), justifier d’un casier judiciaire vierge, etcetera etcetera - cette liste n’étant pas exhaustive !

Le régime de l'intermittence
à employeurs multiples

Intermittent n’est pas un métier.
Il s’agit d’un régime d’assurance chômage, créé pour le milieu du cinéma en 1936, où les producteurs emploient pour la durée d’un tournage seulement. Le régime s’étend ensuite aux secteurs du disque et de l’audiovisuel et enfin en 1969 à celui du spectacle vivant.
Aujourd’hui le secteur événementiel y a aussi largement recours.

Les salariés alternent donc des courtes périodes de travail auprès de différents employeurs (ils sont salariés cotisants) avec de périodes sans emploi (ils sont alors demandeurs d’emploi touchant des allocations à condition de cumuler au moins 507 heures de travail rémunéré par an).

Les métiers concernés sont ceux de techniciens du spectacle (listés précisément dans l’annexe 8 de la convention d’assurance chômage) et ceux d’artistes-interprètes (listés dans l’annexe 10).

Artistes-auteurs

L’artiste-auteur créé une œuvre de l’esprit dans les domaines littéraires, musicaux et chorégraphiques, audiovisuels, logiciels, graphiques et plastiques.
Le droit d’auteur est apparu avec l’idée d’une propriété intellectuelle distincte de la propriété matérielle. En effet, lorsque l’on vendait un manuscrit ou une peinture, on vendait l’exemplaire de l’œuvre, point. Mais avec les nouvelles possibilités de reproduction massive des œuvres écrites, il devint nécessaire de distinguer l’œuvre en elle-même de ses formes matérielles produites et reproduites. Comme il était alors convenu dans cette société qu’un propriétaire récupère le fruit de ce qu’il possède, et il fut progressivement admis que l’usage des œuvres devait rapporter à son auteur.
Aujourd’hui on décline le droit d’auteur sous 2 versants complémentaires. Le droit moral permet à l’auteur d’être cité comme tel et de donner son autorisation pour l’utilisation de son œuvre (diffusion, réadaptation). Et le droit patrimonial concerne la rémunération qui lui sera versée pour chaque diffusion grâce à l’intervention d’organismes nationaux de gestion (SACEM pour la musique, par exemple). Cela implique que les diffuseurs de ces œuvres payent une contribution. D’autres acteurs qui influencent le résultat de l’œuvre par leur participation à l’étape de sa diffusion, (par exemple les éditeur, les interprètes, les photographes) sont parfois considérés comme co-auteurs.
L’évolution culturelle, des modes de création, supports et techniques continuent régulièrement de questionner la réglementation juridique autour du droit d’auteur.

Artisans d'art

Un artisan est un travailleur indépendant qualifié qui exerce une activité manuelle selon des méthodes et un savoir-faire traditionnels.
Il crée son entreprise et la fait immatriculer au Registre des Métiers et en est le gérant ou bien il est salarié par une telle entreprise.

« Artisan d’Art » est un titre de reconnaissance décerné par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat à un artisan qui exerce une activité comprise dans la liste des 217 métiers de l’artisanat d’art et qui peut justifier de son diplôme (BEP, CAP) ou d’une expérience dans le métier.

Le titre de « Maître d’art » est attribué de manière honorifique par le Ministère de la Culture à des artisans d’art qui incarnent l’excellence de l’artisanat d’art. Il fut créé en regard de celui de « trésor national vivant » décerné aux artisans japonais. Par leur travail, les maîtres d’art font perdurer des techniques susceptibles de disparaître et s’engagent dans une forme de transmission de leur savoir-faire. Depuis 1994, 132 professionnels, acteurs de la création ou restaurateurs, ont été nommés Maîtres d’art, représentants 95 métiers artisanaux, pour lesquels il n’existe plus de formations.

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© crédits photos : membres du collectif, Yves-Alain Endewell, collectif Sprague
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